Localisation : Chantenay, Nantes, France
Equipe : Mathieu, Paul, Simon, Marion, Julie, Bastien, Gilles, Sylvain, Pierre, Victor, Camille, Pierre
Montant : 25.000€ – financement participatif en cours
Financement participatif : ICI
Date : depuis 2018
Photographies : saga et Gilles Herbreteau
Depuis plusieurs années, par engagement personnel avant tout, nous agissons aux côtés d’un réseau d’associations venant en aide à des personnes à la rue, en situation d’exil sur Nantes. Cette ville, la nôtre, autopromue ville accueillante, est par ailleurs le théâtre de nombreux combats autour du mal logement et du sans-abrisme. Comment agir en tant qu’architectes dans ce combat ? N’étant pas compétents sur des problématiques telles que la santé, la demande de papiers ou le suivi juridique, nous commençons par nous rendre dans les divers lieux réquisitionnés, squattés pour tenter de cerner les contours de ce que pourrait être notre action dans ce contexte particulièrement mouvant.
La question du temps ici est primordiale. Ces différents lieux que nous parcourons sont instables : en plus d’être souvent inadaptés à l’usage de logement, ils sont habités sur des temps courts, au fur et à mesure des expulsions. Pas question donc d’y construire des projets sur le temps long, mais plutôt de venir réparer, de manière incrémentale des lieux qui malgré leur inhospitalité accueillent ceux que notre ville ne sait pas où mettre. Au fil de ces réparations, nous faisons la rencontre de la maison des B., un lieu squatté depuis 2016 qui accueille entre 60 et 80 hommes de 8 nationalités différentes dans 8 appartements. Ancien immeuble privé, ce lieu a un statut particulier et paradoxal, la maison est ainsi en plein cœur d’un quartier en pleine gentrification, sur le parcours du Voyage à Nantes et pourtant le squat subsiste depuis plus de 5 ans. Au fil des expulsions d’autres lieux dans la ville, la Maison des B. est devenue un refuge pour ceux qui n’ont nulle part d’autre ou aller.
Notre action ici commence par un appel d’urgence : une partie du plancher s’écroule il faut le réparer au plus vite. Cette première intervention, évidemment nécessaire, nous permet de mettre un pied dans le lieu en toute légitimité. S’en suis une série de petites réparations du quotidien : ce bâtiment usé par le temps et sa surexploitation est abimé. Au fur et à mesure des semaines qui passent et de nos discussions avec habitants et collectifs impliqués, l’idée un peu folle naît de faire de ce lieu occupé une maison d’accueil pour tous, l’idée un peu saugrenue de réhabiliter un lieu qui ne nous appartient pas. Pour ce faire, la méthode est la même : regarder avant d’agir, discuter. Nous entamons le travail par une séries de relevés habités dans chaque logement, support à chaque fois de discussions avec les habitants concernés autour de ce qu’ils projettent pour ce lieu. Une maquette au 1:50ème est réalisée afin de pouvoir échanger avec tous sur les modifications envisagées. Le projet s’esquisse ainsi, autour notamment de la problématique des salles de bains qui cristallisent les désordres et les tensions au sein de l’immeuble. Une colonne permettant l’évacuation et l’alimentation en eau est installée sur chacun des niveaux. En parallèle, un réseau solidaire se forme petit à petit autour de ce projet : le bois nécessaire sera fourni par la scierie de la ZAD de Notre de Dames des Landes toute proche, les différents équipements sanitaires par Emmaüs, et un financement participatif est lancé pour prendre en charge les différents postes de dépenses restants.
Petit à petit, appartement par appartement, étage par étage, et dans le désordre parfois, les travaux s’engagent autour du déplacement des salles de bains et cuisines insalubres, le tout en site occupé, habité, vécu. Le déplacement des pièces d’eau est l’occasion de réorganiser les appartements avec leurs habitants. Le chantier est lieu de négociation, de la compréhension mutuelle autour d’un langage à inventer. L’architecture se fait avec ce qui est là, ce qu’on trouve et se dessine sur place, les outils à la main. On fait et on vit ensemble, le temps d’un jour par semaine, entre habitants, architectes, étudiants, retraités, militants. Au-delà de l’objet fini, ce qui nous intéresse dans ce projet est cette présence sur le temps long (de manière quasi hebdomadaire depuis 3 ans maintenant). Il s’agit plus de réparer ce grand corps malade que de créer, il s’agit ainsi de considérer ce bâtiment comme un vieil ami un peu fatigué et fragile auquel il faut porter de l’attention. Prendre soin de cette architecture, c’est pour nous s’accorder à la considérer comme un objet du quotidien, un objet vivant plus qu’un monument.
Aujourd’hui en voie d’insalubrité, ce lieu bénéficie néanmoins de l’engagement de ses habitants et des militants qui œuvrent chaque jour pour améliorer les conditions de vie. Si la structure principale de l’immeuble ne révèle aucun signe de risque majeur, une réhabilitation du bâtiment est aujourd’hui nécessaire afin d’aménager des espaces correspondant au nombre d’habitants actuels et leurs usages.