Réalisation : Basile Minster, sur une idée originale de saga
Production : saga
Financement : Frapadoc Productions, Institut Français, Région Pays de la Loire, financement participatif
Equipe : Camille, Simon
Montant : 8 000€
Date : 2018 / 2020
Localisation : Dudumashe et Joe Slovo, Gqeberha, Afrique du Sud
> Photographies : saga et Basile Minster
Depuis sa création en 2014, le collectif d’architecture saga est impliqué dans un projet de développement social dans le quartier de Joe Slovo, à Port Elizabeth, en Afrique du Sud. Ce projet s’inscrit en accompagnement d’initiatives habitantes et a permis de construire collectivement deux bâtiments dans ce quartier défavorisé (halle communautaire (2015) et école maternelle (2017).
Par notre présence sur place, nous avons progressivement tissé des liens forts avec les membres de la communauté, et avons décidé en 2016 de mener une étude urbaine sur le quartier, en partenariat avec deux étudiants de l’École d’Urbanisme de Paris. Cette étude est basée sur un travail de terrain mêlant interviews d’habitants et d’acteurs de la fabrique urbaine et relevés cartographiques. Grâce à ce travail, nous avons pu mettre en lumière un certain nombre de problématiques liées au quartier, à son histoire singulière, à ses habitants et leur rapport à la ville, au territoire.
À la suite de cette première expérience, l’idée est venue de s’associer avec Basile Minster, réalisateur de films documentaires, afin d’engager un nouveau regard sur ces récits de vies, sur ces paroles récoltées. Nous sommes donc retournés à Joe Slovo pour un tournage de 5 semaines, en immersion et en contact permanent avec la communauté.
Habiter le mouvement est ainsi une rencontre entre un réalisateur, des architectes, un paysage et une communauté. Construit en une succession d’échanges avec des habitants, le film esquisse un portrait, inévitablement subjectif du quartier de Joe Slovo. Si le focus se pose bien sur Joe Slovo, ces paroles d’un ailleurs trouvent un écho universel : elles entrent en résonance avec des phénomènes qui nous touchent tous, ceux de la migration, de l’exode rural, des savoir-faire, du travail et de l’attente d’un avenir meilleur.
« Joe Slovo ce n’est pas chez moi, c’est juste ma maison. C’est juste l’endroit où je travaille, où j’essaie de vivre, survivre et gagner de l’argent »
Noxolo Mpongo, habitante de Joe Slovo
Joe Slovo est un quartier de la banlieue de Port Elizabeth, dernier né de la métropole de Nelson Mandela Bay. En partie informel, pauvre, petit frère des townships de l’apartheid, Joe Slovo est un espace à côté, en marge des grands centres économiques de la ville. Malgré cela, Joe Slovo est un espace vécu, habité, organisé, parcouru et sans cesse remodelé. Cet espace, nous l’avons parcouru et avons souhaité le montrer dans son quotidien, à travers les interrogations et initiatives de ses habitants. Le film se construit ainsi dans une succession d’interviews non dirigées, la caméra s’efface, on se laisse conter le lieu, ses histoires, en essayant d’oublier nos idées préconçues pour écouter les paroles, pour regarder autour de nous, observer, considérer. Prendre le temps d’écouter, c’est pour nous un moyen de (ré)affirmer la grande valeur de la parole habitante, parole parfois survolée, souvent ignorée et qui pourtant devrait toujours être au centre de la fabrique urbaine.
Si le film n’a pas vocation à consister en un manifeste, il porte un message fort, celui de ses protagonistes – comme Evelyne Benkane, l’une d’entre eux, nous le rappelle si bien :
« Les politiciens ont besoin de nous pour impulser de nouvelles politiques, qui touchent les plus pauvres des plus pauvres. De quelle manière les gens peuvent s’engager, comment peuvent-ils participer au développement de leur propre quartier en s’associant au gouvernement ? Pour qu’ils puissent partager leurs idées. Les membres d’une communauté ne sont pas toujours pauvres. Certes ils sont pauvres, mais ils sont les architectes de leurs propres vies. Parce que le matin lorsqu’ils se lèvent, ils savent très bien ce qu’ils ont à faire »