Localisation : Môle 1, Dunkerque, France
Accueil en résidence : Fructôse
Partenaires : Halle aux sucres – Learning Center
Equipe : Sylvain Guitard, Pierre Guérin, Camille Sablé, Simon Galland
Programme : résidence artistique et exposition
Dates de la résidence : 01.10.2017 > 31.03.2018
Dates de l’exposition : 08.09.2018 > 16.09.2018, dans le cadre du F TOUR – PARCOURS ARTISTIQUE DANS LA VILLE DE DUNKERQUE
Photographies : saga et Flavie Leleux
« On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue, d’abord et longtemps, tout rivage » André Gide
Le môle 1 de Dunkerque est une friche habitée, visitée, mais principalement vue. La ville se déploie le long de la côte et autour de son port. Peu à peu vidé de ses fins initiales, il se voit requestionné. Aujourd’hui, la ville et les artistes entreprennent de construire le devenir de cet espace unique. Unique car atypique, spécifique, étonnant, mais aussi parce que déroutant et chargé de passés, communs, individuels, multiples et indéfinissables. L’échelle d’une telle opération est évidemment imposante de par ses responsabilités et ses enjeux. Elle est la définition du commun et peut, parfois, oublier les individualités, les petites choses de la vie de chacun.
*** Île [CNRTL] :
– Étendue de terre entièrement entourée d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.
*** Presqu’île [CNRTL] :
– Terre entourée d’eau de tous côtés, excepté un seul qui la relie au continent par un isthme.
*** Utopie [CNRTL] :
– Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun.
Axiome
Le Môle 1, et le port de Dunkerque plus généralement, est vu depuis notre regard, comme une île, une insularité, une entité qui semble isolée, avec son fonctionnement et sa géographie propre. Insularité car enclavée, séparée de la terre ferme par des canaux et ses infrastructures portuaires. Cette île d’un autre genre est la dernière barrière infranchissable, avant le large.
Une île, au-delà de sa situation géographique et de sa géologie intrinsèque, c’est un mode de fonctionnement, une organisation sociale propre, un mécanisme social, politique et administratif particulier, un microcosme indépendant.
Mais l’île, ce havre refuge, appelle aussi aux frontières : le rivage, les berges, les rives, le port, ses quais, son accotement, et donc par opposition ce qu’il y a en face, la terre ferme, l’ailleurs.
C’est alors un monde à part entière, « le monde d’en face » qu’il faut pénétrer, dont il faut s’emparer, pour mieux comprendre. C’est partir à l’aventure, vers la découverte d’un ailleurs, d’un inconnu insaisissable et ainsi dans son sillage partir à la quête de soi-même, de ses rêves, de ses désirs, de ses fantasmes. Une quête utopique donc.
*** Uchronie [Régis Messac] :
– Terre inconnue, située à côté ou en dehors du temps.
Le réel, le temps et la localité
Si l’utopie est un plan imaginaire, l’uchronie a quelque chose en elle de réel et de tangible. Car le point de départ d’une uchronie est un fait historique modifié, dont le but est de ré-écrire l’Histoire, pour accoucher d’une vision rêvée de la réalité.
Le point de départ ici est le réel, la réalité de l’île : son histoire, ses usages, sa géographie, ses usagers. Ainsi l’enjeu de cette résidence était d’explorer des visions de l’île, des rêves et des fantasmes, dans les réalités, les temporalités et les spatialités du Port de Dunkerque et de son Môle 1.
C’est ainsi que nous sommes venus récolter, par la parole et le geste dessiné, des rêves d’îles, venus interroger et imaginer avec les participants des utopies territorialisées sur le Môle 1. Ces utopies, qui par essence imaginaires et extra-ordinaires, viennent informer le réel et la réalité de cet espace, et ainsi ceux qui le pratiquent ou le fantasment.
*** Atlas [Larousse] :
– Recueil ordonné de cartes, conçu pour représenter un espace donné et exposer un ou plusieurs thèmes
Une collection
De ces rêves d’îles une collection s’est créée, celle exposée à l’intérieur de l’Espérance. La collecte des gestes dessinés constitue la matière première de cet atlas, Classeur des Utopies, qui vient ordonner ou réordonner, mettre en relation, mettre en contre point l’ensemble des cartes imaginées par les participants. Cet atlas a été régulièrement mis-à-jour, à mesure des rencontres, et est le matériau principal de l’exposition.
Cet Classeur des Utopies regroupe ainsi de précieuses informations sur un nouveau monde, inconnu et à découvrir. Associée à cet atlas, une collection de photos qui vient entrer en relation avec les cartes dessinées, comme autant de témoins du procédé de création de l’île imaginée et du passage de l’Espérance.
Cette collection est un recueil de requêtes informelles, pacifiques, rêvées et désirées. Un recueil collectif de rêves personnels et particuliers.
Ce sont simplement, au travers de projections spatiales, sociales et politiques, des portraits d’hommes et de femmes, des portraits qui n’ont d’autres prétentions sinon celles d’être ce qu’ils sont, par essence, par nature, utopiques et rêveurs.
Procédé
Une caravane, l’Espérance a sillonné le port de Dunkerque, son Môle 1, ses rives et ses alentours. Elle fut le lieu d’imagination et de concrétisation des désirs d’îles.
Des habitants, individuellement ou par groupe ont été invités à monter dans ce dispositif mobile. Dans cet espace intime et accueillant, les participants ont livré leur ressenti sur cette insularité qu’est le Môle 1, connue ou inconnue des habitants, fantasmée ou redoutée.
Ils ont été invités à se livrer sur son histoire au travers de leurs histoires, au travers de leur ressenti, de leur anecdotes …
Pendant ce portrait d’un réel personnel, nous avons fait appel à leur imaginaire, par la parole et le dessin pour faire surgir l’ir-réel, l’extra-ordinaire et le rêve.
Après avoir été sélectionné pour la résidence, les membres de saga commencent par construire ce mobilier-abri-objet. Il s’agit d’un ancien châssis de remorque sur lequel est venu se greffer des éléments récupérés (structure aluminium de pont de scène, bâche de camion bleue, chambre à air de tracteur, bois de plancher de scène, etc.). Les caractéristiques de cet objet mobile renommé « L’Espérance » sont de pouvoir être facilement transportable sur la route une fois plié et en contenant tout ce qui est nécessaire à son déploiement, de se transformer rapidement en un espace couvert et chaleureux pour y mener les interviews.
Enfin, la spécificité nécessaire de l’Espérance est d’être un navire une fois plié et retourné sur le dos, flottant sur les chambres à air.
C’est trois formes que peut prendre l’objet mobile représentent les trois étapes de la résidence menée par saga.
D’abord, la pérégrination de l’objet pour pouvoir s’implanter autour du Môle 1. Puis, la possibilité d’accueillir pour récolter les témoignages, les rêves et les cartes dessinées. Enfin, la traversée pour ramener par la mer, offrir, le matériau collectée sur terre aux usagers et visiteurs du Môle 1.
Il est une légende qui dit que certain Dunkerquois auraient vu l’Espérance naviguer certains jours d’hiver dans le port.
Mais comme toute les légendes, elle n’a jamais pu être vérifiée.